dimanche, 13 septembre 2015 | La Débandade, 2004
La Débandade, 8F, laque acrylique, encre, crayon Conté, posca sur carton entoilé contrecollé sur chassis, 2004
2004 c'est l'année où je fus hébergé durant l'été à environ 1000 m sur le plateau du Cézalier, qui recèle un panorama magique avec au nord le massif du Sancy et au sud les anciens volcans du Cantal. Peu d'arbres sur ces hauteurs, de la montagne à vaches, des lignes de clôtures, des cailloux, des tiges drues de gentianes dans les champs et au bord des rares routes qui le traversent. Je passai trois semaines dans une maison située en lisière d'un hameau où ne vivait guère de monde. J'y suis resté seul, à travailler du matin au soir. Seul un Manouche, ou Rom, vint à passer, quêtant une cheminée à nettoyer, et quelques conducteurs de camionnettes alimentaires aussi. Mais dans l'ensemble j'eus une paix royale.
Quand j'étais saoûl de dessin et saturé des hallucinations contrôlées que je traquais, je partais me promener sur la route, les chemins de terre étant dans cette campagne eux aussi plutôt rares. Je laissais mes regards vagabonder autour des nuages ventripotents, insolents de santé, et je contemplais les vaches, les belles de race Salers aux yeux ourlés de cils comme maquillés au khôl. Certain soir, je ramassai une poignée de foin abandonné en bordure de fossé, et le ramenai à la maison.
Le lendemain, je l'étalais sur mon carton toilé, sur le blanc réservé du support. Puis je vaporisai le tout de peinture noire, ce qui me permit d'obtenir un pochoir aléatoire, le noir vaporisé laissant, une fois les fétus de foin enlevés, tout un lacis de formes blanches vaporeuses que j'entrepris dès lors d'interpréter avec mon rapidographe, et mes marqueurs, ou mes crayons.
Le résultat me fit penser à une sorte de Chute des Anges Rebelles plus naïve que l'original bien sûr (Brueghel). Un personnage placé au centre se tenait l'air déterminé, et toute une foule de personnages plus petits, parfois seulement des esquisses de personnages à naître, encore informes, en gestation, paraissaient refluer en voyant surgir la figure centrale, féminine, puisqu'elle portait une jupe et arborait une poitrine conséquente. J'ai gardé cette œuvre, l'exposant de temps à autre mais chaque fois sans la mettre en vente.
14:56 Publié dans Noir et blanc, Peintures | Tags : débandade, pochoir, cézalier, solitude, salers, gentiane, taches interprétées | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Ce serait bien que tu le montres à ton expo de Carquefou, ainsi j'aurai tout le loisir et le plaisir de le regarder "en vrai".
Du Grand Montpied !
Écrit par : gilles manero | jeudi, 24 septembre 2015
Impossible mon cher Gilles. Le tableau ne sera pas à Carquefou. Il reste au chaud chez moi. Collection de l'artiste. Rarement montré (une fois à Montauban au musée Ingres je crois me rappeler...?).
Mais je t'envoie bientôt une photo en bonne résolution à ton usage personnel. Ou sinon, tu viens un jour l'examiner dans ma modeste thébaïde, et on va boire un bon coup après.
Écrit par : Le sciapode | jeudi, 24 septembre 2015
Collection de l'artiste, soit, mais cela ne veut pas dire impossible. Il s'agit là d'une œuvre majeure de ta production, tu as suffisamment l'œil critique envers les autres artistes pour l'avoir envers tes propres œuvres. Et constatant le soin apportée à celle-ci, carton entoilé contrecollé sur châssis, tu ne me contrediras pas !
L'art est fait aussi pour être vu et partagé, "circulé y'a tout à voir" !
Je vais intervenir auprès de qui tu sais afin qu'elle figure sur le carton d'invitation !
Écrit par : gilles manero | vendredi, 25 septembre 2015
Les vaches aux yeux ourlés de cils comme passés au khôl sont des aubrac. Les salers sont rouges, elles ont aussi de beaux yeux, mais moins caractéristiques. Ce sont plutôt leurs cornes en forme de lyre qui les distinguent. En face de la maison où vous étiez, ce sont des salers, à gauche, il y a immuablement, l'été, trois montbéliardes, quand aux aubrac, pour les voir, il faut remonter un peu plus loin à gauche encore, et regarder dans le grand champ àdroite après la ferme de la Granjoune, en allant vers la route principale. sinon, Gilles Manéro a tout dit sur votre tableau. Il a raison.
Écrit par : Atarte | mercredi, 07 octobre 2015
OK, j'ai confondu le khôl et la lyre, je subodorais en écrivant cette note qu'il y avait peut-être une confusion. Personnellement, j'ai un petit faible pour les cornes en forme de lyre, d'où le souvenir des salers. Je crois en avoir montré une photo du reste il y a quelques années sur ce même blog, prise en dessous du Puy Mary (Puy de la Tourte) pendant une randonnée avec un camarade du Cantal (voir ici: http://lepoignardsubtil.hautetfort.com/archive/2007/07/28/massif-excentral-1-introduction-a-l-art-immediat-en-massif-c.html) .
Mais je suis loin d'être un habitué des pâturages, comme vous, Atarte.
Écrit par : Le sciapode | jeudi, 08 octobre 2015